Rencontres Poétiques
Michel Sirey (présenté par Claude Billon)
C’est dès l’adolescence qu’apparut à Michel Sirey la nécessité de la parole poétique entendue non seulement comme une révélation intime, secrète, mais aussi comme une invitation à propager, à disséminer une offrande sans cesse renouvelée. Il y répondit d’abord, à la fin des années 60, par la co-fondation à Metz, dans l’enceinte des Trinitaires, du cabaret poétique le Hareng-Saur, où la poésie eut droit de cité sans esprit partisan, avant de prêter sa voix en tous lieux, en toutes circonstances, aux poètes qui lui semblaient injustement oubliés ou méconnus. C’est ainsi qu’il a révélé au public, ces dernières années, le vigneron valaisan Maurice Chappaz ou encore André Hardellet, l’infatigable arpenteur de Paris et sa banlieue dont il donnera, ce 28 octobre, la version allégée d’un montage scénique créé en Touraine.
J’ai toujours éprouvé un intérêt particulier pour les écrivains et les poètes que taraude, d’un livre à l’autre, une idée fixe. Celle-ci a d’abord pour mérite d’être un gage d’authenticité. Car on ne se fabrique pas de toutes pièces une obsession, on est poursuivi par elle. En 1973, André Hardellet répondit au souhait du très médiatique Michel Polac qui lui demandait un texte-confession pour sa collection baptisée précisément « Idée fixe ». L’auteur du « Bal chez Temporel » rédigea alors une déclaration d’intention merveilleusement éclairante qu’il intitula « Donnez-moi le temps ». Le temps et les illusions d’optique auxquelles il nous soumet, les reviviscences inattendues qu’il peut nous offrir sont en effet au centre de l’œuvre poétique d’André Hardellet que je découvris, pour ma part, il y a près de quarante ans. Déjà fasciné par quelques explorateurs spatio-temporels de première importance comme le sont, très différemment, Jean Follain et Jorge Luis Borges, je ne pouvais manquer d’admirer l’ambition de ce poète aux yeux de qui le temps que nous croyons « passé » n’est jamais que « suspendu » et pour qui nous sommes mis au défi de déjouer ce qu’il appelle « le complot des apparences ». C’est à ce prix, nous dit-il, que nous serons promis aux rencontres les plus improbables et les plus éblouissantes.
Michel nous propose une promenade littéraire et imaginaire largement ouverte sur une œuvre protéiforme : chansons, poèmes en vers et prose, romans, souvenirs.
Laissons André Hardellet lui-même nous murmurer :
"Chacun lutte comme il peut contre l’angoisse de la mort et la solitude ;
tracer des mots pour les écarter ne constitue pas l’un des plus mauvais moyens inventés par l’homme."
André Hardellet ?
André Hardellet est né le 13 février 1911 à Vincennes de parents bijoutiers dont il est le fils unique. Il est mort à Paris le 24 juillet 1974.
Il a commencé par suivre des études de médecine, abandonnées en 1933 pour reprendre l’entreprise familiale, « Les Alliances Nuptia », dans le quartier du Marais. Parallèlement, il flâne dans les rues et les banlieues de Paris et écrit. Il ne publiera cependant son premier recueil qu’à plus de 40 ans.
Après guerre, il rencontre des artistes qui constitueront sa bande de copains - René Fallet, Alphonse Boudard, Georges Brassens, André Vers, Louis Nucera, Robert Doisneau, etc - et Pierre Mac-Orlan qui va le pousser à publier. Romans et recueils de poèmes, dès lors se succéderont, ainsi que les chansons, dont le fameux « Bal chez Temporel » mis en musique par Guy Béart et chanté par Patachou. André Breton salue à son tour l’auteur du « Seuil du Jardin »
Le roman « Lourdes, lentes »publié en 1969 par Jean-Jacques Pauvert va donner de l’eczéma aux bien-pensants et un ministre qui restera probablement dans l’histoire pour ce fait d’armes imbécile, Raymond Marcellin, le fera condamner pour pornographie, outrage aux bonnes mœurs en 1973 par la 17e chambre correctionnelle de Paris. André Hardellet en fut dit-on si malheureux qu’il en mourut l’année suivante.