Rencontres Poétiques
Joël Fosse :
Comédien formé au Conservatoire de Montpellier puis au Théâtre National de Strasbourg, Joël Fosse a travaillé avec Jacques Lassalle, Jean Dautremay, Viviane Théophilidès, Agnès Varda, Michel Touraille, Antonio Vuilleumier, Gilles Losseroy... Il enseigne aujourd'hui l'art dramatique au Conservatoire à Rayonnement Régional Metz-Métropole.
Parallèlement à son activité d'enseignant, il poursuit une activité de metteur en scène et intervient en qualité de comédien-conteur avec l'Orchestre National de Lorraine ou l'Ensemble Syntagma, mais aussi en free-lance, dans une démarche de création ou de relecture des classiques, souvent en lien avec des musiciens.
Il propose désormais et de plus en plus fréquemment des formules solo où la dégustation poétique vient faire corps avec la nonchalance désenchantée du dirty and melancholy répertoire black and white des airs traditionnels américains qu'il chante en s'accompagnant du ukulele et de la guitare.
I am a poor lonesome story-teller, far, far away from Reason...
Sans doute aucun fort perché à l'instar d'un certain baron que la consommation d'escargots étranglerait, incontestablement pourfendu à l'image bifide d'un non moins notoire vicomte traversé par un funeste obus, je me considère comme un humble porte-voix des (bons) mots des Autres.
Foutredieu ! De quelle inutile jactance voudriez-vous que je pollue l'acousphère lorsque le natif de l'Isle-sur-la-Sorgue nous abreuve de mots pareils :
« La poésie est ce fruit que nous serrons, mûri, avec liesse
dans notre main au même moment qu'il nous apparaît,
d'avenir incertain, sur la tige givrée, dans le calice de la fleur. »
Alors ? Hein ?
Bien mieux vaut que je savoure ces scintillements vivants de la langue tout en fermant ma gueule (Pourquoi l'ouvrir si grande ? Afin de faire un trou dans le paysage ? dirait par gouvernante interposée l'insaisissable Büchner).
Ou alors, s'il faut l'ouvrir, que ce soit pour me taire, et pour laisser se répandre les voix de Char, d'Apollinaire, de Calvino et de toute la bande qui n'a mesure. Pour laisser souffler les « très grands vents » de Saint-John Perse,
« flairant la pourpre, le cilice, flairant l'ivoire et le tesson, flairant le monde entier des choses, Et qui couraient à leur office sur nos plus grands versets d'athlètes, de poètes. De très grands vents en quête sur toutes pistes de ce monde, sur toutes choses périssables, sur toutes choses saisissables, parmi le monde entier des choses. »
Écoutons ce soir la voix tout à la fois boueuse et fulgurante de Céline embarqué sur le hautement corrodé navire Amiral Bragueton pour son périple Au bout de la Nuit.
Intermédiairement vôtre.
Joël Fosse