Rencontres Poétiques
Hommage à Daniel Laumesfeld :
Daniel Laumesfeld, sociolinguiste, poète et musicien, est né le 25 janvier 1955 à Basse-Ham en Moselle, dans cette partie de la Lorraine qui dépendait jusqu’au 17e siècle du Duché de Luxembourg, et dont langue vernaculaire est le francique luxembourgeois (ou Platt).
... Un jour un ancien camarade de classe était passé à son domicile parental et y avait déposé une petite revue militante qui parlait en Platt du Platt.
Ce fut comme la révélation d’un texte sacré, d’écritures saintes.
Il (re)découvrit, à vingt ans, que son vieil idiome oublié, possédait tous les attributs d'une véritable langue. Une langue francique alphabétisée, déclinée, conjuguée, versifiée, historiographiée... Le vulgaire patois banni de son existence, tout à coup ressuscitait !
Il prit sa plume et se mit à écrire dans sa langue maternelle...
Il a publié en 1984 une thèse de doctorat très importante sous la direction du professeur Louis Jean Calvet sous le titre: « La diglossie en Lorraine Luxembourgophone; pratiques / idéologies », mettant en perspectives les avantages du multilinguisme régional.
A la fois chercheur, artiste et homme engagé, Daniel Laumesfeld a été le premier à ouvrir la voie à une prise de conscience transfrontalière de la culture francique en région lorraine. D'autres chercheurs, basques et corses notamment, se sont inspirés de ses travaux.
Il est mort en 1991 âgé de 36 ans à peine à Rurange-lès-Thionville.
Humble et plein d’énergie, toujours prêt à découvrir d’autres lieux, d’autres visages, d’autres cultures, il donnait sans compter pour un avenir qu’il rêvait de tolérance et d’échanges. Pourtant sans illusions, cet anarchiste non violent croquait la vie à pleines dents. Il était toujours prêt à discuter toute la nuit pour refaire le monde avec le premier venu rencontré dans un café, sur un banc d’université ou au fond d’un vieux bus du bout du monde. Discuter avec lui laissait l’impression merveilleuse qu’on était, le temps d’un échange, un peu plus intelligent, un peu plus ouvert.
(d'après diverses biographies).
Notre hommage à Daniel Laumesfeld sera en majeure partie réalisé par le groupe Mannijo, constitué de Jo Nousse (voix) et Patrick Riollet (musique). De nombreux autres amis de Daniel Laumesfeld seront également présents pour évoquer son souvenir et son œuvre, aussi émouvante et attachante que visionnaire.
Au pays des haies
Au pays des haies
les gens traînent leur ombre
Au travers des ruelles étroites, à travers la pluie,
sur des sentiers gris
ils regardent la terre en ployant le dos
la guerre sur une épaule et l’usine sur l’autre Habitués à se baisser
Habitués à obéir
Sans beaucoup de soleil dans le visage, bien sûr, mais à l’intérieur du coeur brûle encore une lueur
Au pays des haies
Trottine une grand-mère jusqu’au cimetière Devant la grange un vieux contemple le monde
qui passe lentement.
Elle a les mains endolories à cause du jardin,
Lui a les bras fatigués à cause de l’usine
Habitués à se taire
Bien que personne n’écoute plus leur belle langue Mais à l’intérieur du coeur brûle encore une lueur
Au pays des haies
Nagent des corbeaux dans la pluie Comme des signes noirs
Ils survolent les frontières,
au pays des Trois-Frontières aujourd’hui français
allemand le jour d’après habitués aux soldats Aux salades françaises Bien sûr que ces gens-là
n’ont pas peur de Cattenom Mais à l’intérieur du coeur
brûle encore une lueur.
« El men Pais és tan petit
Que quan el sé n va dormir
Mai no esta segur d’haver-lo vist ».*
Daniel Laumesfeld
Ce dernier tercet en occitan, est emprunté au chanteur-poète catalan Lluís Llach :
"El meu pais és tan petit
Que quan el sol se'n va dormir
Mai no està prou segur d'haver-lo vist."
"Mon pays est si petit
Qu'en allant se coucher
Le soleil (On) n'est jamais vraiment sûr de l'avoir vu."