Rencontres Poétiques
Chloé Charpentier :
« Mon rapport à la poésie s'allonge dans le temps jusqu'aux lueurs de l'enfance, où, poétiquement, les mots sont des symboles mystérieux qui frappent et sonnent comme des formules incantatoires. Et comme le temps avance, ce rapport lui-même prend d'autres formes, s'accommode d'autres mystères : au lieu de ne pas savoir ce qui se fait, on comprend progressivement dans quelle mesure l'étrangeté de la langue poétique demeure, on cerne à force de manipuler, on force les mots comme les portes ; cela s'appelle l'étude. Il y a l'étude universitaire, certes, mais il y a le contact avec d'autres magiciens, à travers les lectures, à travers les dialogues également.
Les initiatives que j'ai prises quand j'avais vingt ans, sont de cet ordre : j'avais besoin d'ouvrir encore d'autres portes, de permettre à mes textes de recevoir une lumière extérieure, plus crue probablement, que celle du chevet ou du pupitre. J'ai donc ouvert deux lieux : en fondant un collectif de poésie, en initiant une revue. Je n'appartiens plus aujourd'hui ni à l'un ni à l'autre, car le temps et l'espace ont imposé la distance et parce qu'il faut manger et avoir un toit. Je suis donc partie du berceau natal, Nancy, et vis désormais, recluse dans la montagne vosgienne, auprès des épicéas de la forêt et des bouleaux d'un marais.
Le texte que je propose en lecture est un recueil de poésie intitulé L'Acheminement du signe et du singe ; il n'a jamais été publié que par bribes, bien qu'il soit conçu comme un tout avec un début et une fin, dans la revue de Patrice Maltaverne Traction-Brabant, et dans celle de Françoise Favretto L'Intranquille. Les thématiques qui m'occupent le plus y sont : le retour à la Nature comme élément déclencheur d'un retour à soi, non pas sous l'égide post-romantique, mais comme possibilité/nécessité d'un déchiffrement identitaire de l'homme extrait de sa vision saturée de lui-même que j'appelle anthropocentrisme. A l'égal de ce qui l'entoure, il approche dans mes textes, autant que faire ce peut, du moins je m'y efforce, les différents domaines où il exerce en dominateur.
La perspective est d'une certaine manière écologique, elle n'en demeure pas moins un hymne à la vie, à l'immanence également, où le lyrisme côtoie à armes égales le vulgaire, où l'ornement et la nudité partagent le même espace et le complètent afin de former l'unité de la vie. »