Armand Bemer
L’ancien prof d’anglais qui rêvait, tout petit, de devenir un jour électricien, griffonnait déjà des poésies sur ses cahiers d’écolier. De Manom où il est né, de Berg-sur-Moselle, de Sierck-les-bains et de ces bourgades somnolentes du pays des Trois-frontières — brinquebalé tantôt d’un côté, tantôt de l’autre par les vents contraires de l’histoire et où l’on parlait, il y a peu encore, le « platt » — Armand Bemer a gardé le goût enivrant des langues et des mots soigneusement choisis, comme autant de petits cailloux qu’on enfouit tout au chaud dans sa poche… pour aller courir la campagne ou découvrir le vaste monde, à pied, en vélo et rêver et se souvenir de ces temps anciens où la vie était rude certes, mais rudement belle aussi pour des yeux d'enfant ! De tout cela, il en fait des livres, monsieur Armand. Des livres d’histoire, des livres sur le temps qui lentement s’efface, des livres sur la terre des ancêtres et puis des recueils de poèmes où l’on croirait entendre les accents d’Éluard, le tendre limonaire de Verlaine et voir s’égayer les mystérieuses brumes de Verhaeren. Bien loin d’une poésie plus souvent épileptique que sincèrement contemporaine, le souffle et la métrique des vers d’Armand Bemer, s’ils ne cherchent en rien à bousculer ou à révolutionner le genre, se caractérisent par une rondeur, un poli, une patine et une humble perfection que seuls savent donner à leurs œuvres, les artisans passés maîtres dans l’exercice de leur métier. Comme le fer rougi sur l'enclume du forgeron, comme le rabot sensuel du menuisier, la poésie d'Armand Bemer a tout simplement le goût du bon pain.